La Commission de terminologie et de néologie de l'informatique1< définit le logiciel comme un « ensemble des programmes, procédés et règles, et éventuellement de la documentation [1], relatifs au fonctionnement d'un ensemble de traitement de données ».
La notion revêt néanmoins de multiples facettes selon le regard qu'on lui porte. Nous en retiendrons deux qui nous intéressent plus particulièrement : le logiciel comme objet technique d'une part et comme objet juridique d'autre part2<.
Techniquement, ce que l'on appelle logiciel correspond à « un ensemble d’instructions et de règles qui permet à un ordinateur ou à un système informatique d'assurer une tâche ou une fonction en particulier ». D'autres termes renvoient à cette même définition et celui qui s'en rapproche le plus – tout en étant moins ambigu – est celui de programme.
Sa forme peut être variée mais deux états se distinguent clairement :
Il est généralement nécessaire de procéder à la compilation du code source [2] en code objet pour pouvoir faire fonctionner le logiciel, mais certains langages, dits « langages interprétés » (PHP Ruby, Perl, etc.), sont convertis en , instructions exécutables par la machine au moment de leur exécution (et sont donc distribués sous forme de code source [2]). Dans la même veine, d'autres nécessitent la présence d'un interpréteur, on parle alors de langages semi-interprétés (par exemple Java, avec la Machine Virtuelle Java).
Depuis leur création, les logiciels ont rapidement acquis une valeur patrimoniale forte, tant pour les auteurs (ou société éditrice) que pour les utilisateurs. Par nature immatériels – et donc non rivaux (l'usage des uns ne limite pas l'usage des autres) et non exclusifs (tout le monde peut en jouir) –, contrôler leur diffusion était très difficile.
Ainsi, pour répondre au besoin d'appréhension de ce bien immatériel, les juristes se sont très vite interrogés sur la meilleure protection à conférer au développeur d'un logiciel, entre brevet (auquel on songe en raison de son aspect technique) et droit d’auteur (considérant le langage informatique comme une forme d'expression).
C’est la seconde qualification qui fût retenue en France et plus largement en Europe : les législations reconnaissant par ce mécanisme un droit de propriété intellectuelle aux auteurs de logiciels.
Lors des premiers contentieux en matière de logiciel et devant le silence de la loi, les juges se sont naturellement tournés vers l'édifice législatif et jurisprudentiel du droit d'auteur en assimilant l'écriture d'un logiciel à celle d'une œuvre littéraire.
Le législateur a confirmé peu de temps après cette orientation par la loi du 3 juillet 19851<qui est venue compléter l'article L. 112-2 du CPI [10] d'un alinéa 132<afin de désigner expressément le logiciel comme une « œuvre »3<. Néanmoins, pour prendre en compte la dimension industrielle de cette création, quelques ajustements furent apportés au droit d’auteur « artistique » au détriment de l'auteur, personne physique d'un logiciel : il s’agit de l’attribution automatique des
prérogatives patrimoniales du droit d’auteur à l’employeur, et de l’amputation d'une partie des droits moraux, etc.4<.
Néanmoins, d'autres pays (parmi lesquels les États-Unis et le Japon) recourent à la notion de brevets logiciels. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles une pratique semblable s'est développée, en dehors de tout cadre juridique, au sein des offices nationaux européens (au premier rang desquels l'Office Européen des Brevets) : le dépôt de brevets est ainsi accepté sur les « inventions mises en œuvres par ordinateur », puis aujourd’hui sur des logiciels en tant que tels. Frein à l'innovation et à l'interopérabilité, cette extension du brevet est une problématique complexe et souvent remise en question5<.
Autour du programme en tant que tel, d'autres composantes (qui sont des stades antérieurs du logiciel, ou qui accompagnent ce dernier) forment ce que l'on appelle le « logiciel » :
A contrario, les fonctionnalités d’un logiciel et les algorithmes (processus systématiques de résolution d’un problème par le calcul) ne peuvent être protégées (contrairement à leur implémentation) car ils restent assimilés aux idées et sont « de libre parcours ».
Enfin, en périphérie du logiciel, d'autres éléments sont aussi protégés :
Le caractère scientifique des logiciels n'exclut pas pour autant cette qualification d'œuvre de l'esprit : « L’élaboration d’un programme d’ordinateur est une œuvre de l’esprit originale dans sa composition et son expression allant au-delà d’une simple logique automatique et contraignante, il ne s’agit pas d’un mécanisme intellectuel nécessaire, les analystes-programmeurs ont à choisir comme les traducteurs d’ouvrages entre divers modes de présentation et d’expression, et leur choix por te ainsi la marque de leur personnalité » (TGI Paris, 27 mars 1987).
Dès lors que le logiciel est une création originale, un monopole est établi au profit de son développeur qui est investi des droits moraux sur la création et des droits patrimoniaux d’exploitation.
Les droits patrimoniaux sont les droits qui permettent l'exploitation du logiciel. C’est l’utilisation de ces droits que l’on aménage par contrat (souvent appelé « licence ») : les droits d’utilisation ou d'exploitation sont cédés, le plus souvent de façon non exclusive, par le titulaire de droits (éditeur ou SSII [11] par exemple) sur le logiciel au licencié (utilisateurs par exemple).
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Les droits patrimoniaux sont de trois catégories :
Par ailleurs, l'auteur dispose de multiples autres prérogatives regroupées au sein de la notion de « droit moral ». Dans la tradition du droit d’auteur, le droit moral est un droit « perpétuel, inaliénable et imprescriptible »3< de l’auteur sur son œuvre : il ne peut pas le céder et/ou le perdre par le non usage.
Traditionnellement, ce droit se compose :
En revanche, l'auteur d'un logiciel ne peut exercer son droit de repentir ou retrait (pour retirer son logiciel du marché), ni s'opposer à la modification du logiciel par son employeur4<.
Par principe, l’auteur d’une œuvre (logicielle ou non) est le seul titulaire de droits, c'est-à-dire celui qui crée l'œuvre (logicielle ou non), mais le CPI [10] prévoit un système dérogatoire au droit commun lorsque l'auteur d'un logiciel est un salarié. Il prévoit une dévolution automatique des droits patrimoniaux à l’employeur dès lors que le salarié a créé le logiciel « dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur »5< (CPI [10], art. [13] L. 113-9).
L’employeur est alors titulaire des droits patrimoniaux et, partant, il bénéficie de l'ensemble des prérogatives attachées à l'exploitation de l'œuvre.
Ainsi, en vertu de la dévolution automatique, c’est donc, sauf stipulation contraire6<, l’entreprise développant un logiciel qui, en tant que titulaire des droits d’auteur, décide de son développement, de sa mise sur le marché et choisit la licence sous laquelle le logiciel sera commercialisé.
La société titulaire des droits d’auteur sur le logiciel peut transférer au licencié, utilisateur, en tout ou partie, à titre exclusif ou non exclusif, ses droits patrimoniaux et plus spécifiquement, le droit de reproduction et les droits de traduction (dans un autre langage informatique), d’adaptation, d’arrangement ou de modification. Seul l’auteur – son employeur en cas de création salariale – peut décider des droits qu’il concède aux tiers (ses clients) par démembrement de son monopole d’exploitation. Dans cette optique, tout droit qui n’est pas expressément concédé demeure strictement réservé au titulaire des droits.
Ne pouvant céder plus de droits qu’elle n'en dispose, la société doit donc s’être assurée :
Les licences Open Source fonctionnent fondamentalement comme les licences classiques et, juridiquement, il n’y a qu’une différence de degré entre la cession sous licence Open Source d’un logiciel et la simple licence d’utilisation : la liberté de l’utilisateur est plus ou moins grande, en fonction des droits que lui a reconnus son auteur à travers la licence.
En principe, il n’est jamais concédé aux utilisateurs, mais éventuellement à des prestataires intermédiaires chargés de la maintenance corrective et/ou évolutive du logiciel (Tierce Maintenance Applicative). Le CPI [10] prévoit également un droit de décompilation très for tement limité.
La pratique existant notamment dans les sociétés qui abandonnent ce droit au profit de leurs employés au cas par cas dans le cas du développement d'un logiciel libre. Hewlett Packard en est un exemple.
Depuis quelques années, le monde économique a vu s'affirmer une figure originale : le « Logiciel Libre ». Cette figure, dont il convient de retracer un historique rapide, a fait l’objet de nombreuses confusions terminologiques et conceptuelles avant d’apparaître clairement pour ce qu’il est : un mode alternatif de conception et d’exploitation de logiciels.
Un Logiciel Libre est un logiciel dont l'utilisation, l'étude, la modification, la duplication et la diffusion sont universellement autorisées sans contrepartie1<. Par opposition, et c'est la raison de l'appellation, un logiciel est dit propriétaire< [15] lorsqu'il reste la propriété d'une seule personne qui n'autorise que limitativement les usages sur le logiciel. Dans ce cas, même s'il peut être gratuit, l'éditeur garde généralement la maîtrise de son logiciel, et notamment du code source [2] qu'il maintient secret.
D’un point de vue technique, un logiciel est dit libre lorsqu'il est utilisable et modifiable sans limitation et qu'il est fourni avec toutes les informations utiles à cette fin (code source [2] documenté et lisible, scripts d'installation, documentation [1], etc.).
D’un point de vue juridique, c'est un logiciel pour lequel l’auteur entend partager son monopole, avec ou sans condition de réciprocité, afin de favoriser sa diffusion et sa réutilisation par d'autres. À cette fin, une licence Open Source accompagne le logiciel afin d'assurer aux détenteurs d'une copie du logiciel les droits de le copier, l'utiliser, le modifier et le distribuer.
C'est aussi un usage « à rebours »2< des droits de propriété intellectuelle, puisque tout ce qui n’est pas expressément cédé demeure sous la stricte exclusivité du titulaire des droits3<. L'écosystème de l'Open Source procède à une « automatisation du partage des monopoles » et considère par principe que l'exploitation du logiciel est permise, à condition de respecter les limitations clairement énumérées par les licences (logique « partage sauf exception »).
Logiciel Libre et « propriétaire » reposent tous deux sur le droit d'auteur, mais là où toute prérogative n’est concédée, sur un logiciel « propriétaire », qu’en dérogation à un monopole personnel d’exploitation, le logiciel libre inverse la logique et consacre le partage comme principe.
Les Logiciels Libres se distinguent du domaine public4< en ce que leur auteur conserve encore un contrôle entier sur l'exploitation de ces derniers. Au surplus, c’est précisément parce que l'auteur (développeur ou éditeur) dispose sur sa création de l’intégralité des droits de propriété intellectuelle qu’il est susceptible de placer ensuite sa création sous une licence Open Source, et par conséquent de faire de son logiciel un Logiciel Libre. Par conséquent, le non-respect d'une licence Open Source est, très logiquement, sanctionné sur le fondement de la contrefaçon5<.
Enfin, un logiciel libre n’est pas non plus un logiciel gratuit6< : De nombreuses exploitations commerciales de Logiciels Libres existent7<, et c'est justement cette liberté offerte à tous de vendre le logiciel qui tend à réduire le prix de vente à la seule valeur ajoutée. De façon plus pragmatique, un Logiciel Libre n'est gratuit que lorsqu'il a été payé ou financé (par un investissement en recherche de l'éditeur ou par des contrats externes), mais tout ce qui a déjà été payé ne le sera plus ensuite (forte incitation à l'innovation).
Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article.
Les cessions por tant sur les droits d'adaptation audiovisuelle doivent faire l'objet d'un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l'édition proprement dite de l'œuvre imprimée.
Le bénéficiaire de la cession s'engage par ce contrat à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l'auteur, en cas d'adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues. »
Par ailleurs, et contrairement à d'autres droits nationaux, il est impossible en France de renoncer à ses droits pour verser son œuvre au profit du domaine public avant l'écoulement du délai de sa protection.
Précurseur en la matière, Richard Matthew STALLMAN est le fondateur du mouvement pour le Logiciel Libre. Il a fondé, en 1984, la Free Software Foundation (FSF [18]), organisation américaine à but non lucratif, pour aider au financement du projet GNU [19] (acronyme récursif pour GNU [19]'s Not Unix) et de la communauté du Logiciel Libre. La FSF [18] a notamment en charge, avec l'assistance du Software Freedom Law Center (SFLC [20]) dirigé par l'avocat Eben MOGLEN, la rédaction des différentes licences « GNU [19] » : GNU [19] General Public License (GPL), GNU [19] Lesser General Public License (LGPL), GNU [19] Affero General Public License (GNU AGPL [21]) et GNU [19] Free Documentation [1] License (GNU FDL [22]).
L'Open Source Initiative1< (OSI [23]) est née d'une scission avec la FSF [18] afin de labelliser les licences réunissant les critères de la « définition Open Source ». Centrée sur les méthodes de développement de logiciel à code ouvert où le service reprend le pas sur le produit lui-même, l'OSI [23] a rédigé une définition de l'Open Source (l'Open Source Définition< [24]). Le site regroupe actuellement plus de 66 licences labellisées Open Source selon un processus bien établi.
La FSF [18] promeut une certaine liberté des utilisateurs de logiciels. L’OSI [23] considère comme optimal ce type de développement de logiciels Open Source : les outils sont les mêmes, pas les finalités.
Fondée par Todd ANDERSON, Chris PETERSON, John MADDOG HALL, Larry AUGUSTIN, Sam HOCKMAN et Eric S. RAYMOND, Site Internet : http://opensource.org/.
Dans les faits, la définition de la FSF [18] (portant sur les Logiciels Libres) et celle de l'OSI [23] (portant sur les Licences Open Source) se rejoignent et les deux notions sont souvent assimilées sous le vocable Open Source alors qu'elles correspondent à deux définitions complémentaires :
Selon la FSF [18]<, le Logiciel Libre se fonde sur quatre critères (ou « libertés fondamentales ») :
Cela ne signifie pas que le logiciel soit forcément « gratuit », mais que l'utilisateur pourra bénéficier de ces libertés et que son code source [2] sera librement distribué, sans restriction d’ordre technique ou juridique.
Selon l’Open Source Definition< [25], est Open Source une licence qui vérifie les critères suivants :
Par souci de précision, nous nous référerons dans ce document à la définition de l'OSI [23] lorsque nous parlerons des licences (« Open Source ») et à la définition de la FSF [18] lorsque nous évoquerons les logiciels (« Libres »).
Les licences Open Source 1< sont – la qualification juridique est unanimement partagée – des contrats gracieux de cession non exclusive de droits d'auteur2<. Le caractère gratuit – non pas dans la mise à disposition, mais dans la cession de droits – et l'étendue de la cession constituent les principales distinctions entre Logiciel Libre et propriétaire.
Sur le fond, la différence est plus profonde. La logique « propriétaire » repose sur un éditeur définissant de façon restrictive les droits concédés à un licencié, en fonction de ses besoins, pour une durée parfois déterminée et une utilisation restreinte. A l’opposé, la logique Open Source repose sur le partage du monopole. Le code source [2] est ouvert et disponible, les droits sont systématiquement concédés de façon très large, la diffusion du logiciel est non discriminante, pour la durée des droits qui s’y applique et le monde entier. Néanmoins, le caractère « libre » des licences ne signifie par pour autant qu’elles ne comportent pas de contraintes. On verra en particulier que la famille la plus connue des licences Open Source comporte au contraire une obligation forte en terme de réciprocité : la clause de copyleft .
Concernant le droit applicable et la juridiction compétente, il suffit, comme dans tout contrat international, de se référer au Droit International privé en l'absence de clause expresse dans les licences elles-mêmes3< – quelques licences apportant en effet ces précisions4< ou renvoyant expressément aux règles de droit international privé5<.
Enfin, la majorité des licences Open Source contiennent aujourd’hui des dispositifs qui viennent limiter le risque d’éviction lié au brevet logiciel6< (en ajoutant à la cession de droits d'auteur, une renonciation aux brevets du concé- dant – ou une cession de droits sur ledit brevet). Parallèlement, les principaux acteurs américains de l'Open Source opèrent des regroupements de brevets à titre défensif : initiatives individuelles7< ou collectives8<, elles font directement face aux patents trolls9<.
Liens:
[1] http://guideopensource.info/glossary/term/6
[2] http://guideopensource.info/glossary/term/4
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Langage_de_programmation
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Informatique
[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_%28informatique%29
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordinateur
[7] http://www.dicofr.com/cgi-bin/n.pl/dicofr/definition/20010101001811
[8] http://www.dicofr.com/cgi-bin/n.pl/dicofr/definition/20010101003501
[9] http://www.dicofr.com/cgi-bin/n.pl/dicofr/definition/20010101001128
[10] http://guideopensource.info/glossary/term/5
[11] http://guideopensource.info/glossary/term/65
[12] http://guideopensource.info/glossary/term/62
[13] http://guideopensource.info/glossary/term/15
[14] http://guideopensource.info/glossary/term/26
[15] http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel_propri%C3%A9taire
[16] http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel_libre
[17] http://guideopensource.info/glossary/term/33
[18] http://guideopensource.info/glossary/term/43
[19] http://guideopensource.info/glossary/term/31
[20] http://guideopensource.info/glossary/term/63
[21] http://guideopensource.info/glossary/term/32
[22] http://guideopensource.info/glossary/term/34
[23] http://guideopensource.info/glossary/term/57
[24] http://opensource.org/docs/definition.php
[25] http://www.opensource.org/docs/definition.php
[26] http://guideopensource.info/glossary/term/58
[27] http://guideopensource.info/glossary/term/40
[28] http://www.systematic-paris-region.org/fr/index.html
[29] http://guideopensource.info/glossary/term/56
[30] http://guideopensource.info/glossary/term/37
[31] http://guideopensource.info/glossary/term/45
[32] http://guideopensource.info/glossary/term/54